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Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/310

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Cette fuite avait été discutée entre eux, convenue, arrêtée ; ils s’étaient donné rendez-vous pour un certain jour, à un endroit déterminé.

— Mais cette lettre, fit le médecin, cette lettre !

Depuis qu’il était question de Laurence, le père Plantat dissimulait mal ses angoisses et ses émotions.

— Cette lettre, s’écria-t-il, qui plonge toute une famille dans la plus affreuse douleur, qui tuera peut-être mon pauvre Courtois, n’est qu’une scène de la comédie infâme imaginée par le comte.

— Oh ! fit le docteur révolté, est-ce possible ?

— Je suis absolument de l’avis de monsieur le juge de paix, affirma l’agent de la sûreté. Hier soir, chez monsieur le maire, nous avons eu en même temps le même soupçon. J’ai lu et relu la lettre de Mlle Laurence, et je parierais qu’elle n’est pas d’elle. Le comte de Trémorel lui a imposé un brouillon qu’elle a copié. Ne nous abusons pas, messieurs, cette lettre a été méditée, réfléchie, composée à loisir. Non, ce ne sont pas, ce ne peuvent être là les expressions d’une malheureuse jeune fille de vingt ans qui va se tuer pour échapper au déshonneur.

— Peut-être êtes-vous dans le vrai, fit le docteur, visiblement ébranlé ; mais comment pouvez-vous imaginer que M. de Trémorel a réussi à décider Mlle Courtois à cet abominable expédient ?

— Comment ! Tenez, docteur, je ne suis pas un grand Grec en pareille matière, ayant eu rarement l’occasion d’étudier sur le vif les sentiments des demoiselles bien nées, et pourtant la chose me semble fort simple. Une jeune fille, dans la situation où se trouve Mlle Courtois, qui sent approcher le moment fatal où sa honte sera publique, doit être prête à tout, décidée à tout, même à mourir.

Le père Plantat eut comme un gémissement. Une conversation qu’il avait eue avec Laurence lui revenait à l’esprit. Elle lui avait demandé, — il se le rappelait, — des renseignements sur certaines plantes vénéneuses qu’il