Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/328

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— Oui, c’est tout, dit-il enfin, et je trouve que c’est suffisant puisque c’est l’avis de monsieur le juge d’instruction, le seul qui ait des ordres à me donner et à l’approbation de qui je tienne.

M. Lecoq haussait tant qu’il pouvait les épaules en examinant le messager de M. Domini.

— Voyons, fit-il, avez-vous seulement demandé quelle est exactement la forme du poignard acheté par Guespin. Est-il grand, petit, large, étroit, est-il à lame fixe ?…

— Ma foi ! non, à quoi bon ?

— Simplement, mon brave, pour rapprocher cette arme des blessures de la victime, pour voir si sa garde correspond à celle qui a laissé une empreinte nette et visible entre les épaules de la victime.

— C’est un oubli, mais il est aisé de le réparer.

M. Lecoq n’eut pas eu, pour surexciter sa perspicacité, les aiguillons de sa vanité blessée, qu’il eût fait des prodiges pour répondre aux regards que lui adressait le père Plantat.

— On comprend une inadvertance, fit-il, mais du moins vous allez nous dire en quelle monnaie Guespin a soldé ses achats ?

Il semblait si embarrassé de son personnage, le pauvre détectif de Corbeil, si humilié, si vexé, que le juge d’instruction crut devoir venir à son secours.

— La nature de la monnaie importe assez peu, ce me semble, objecta-t-il.

— Je prie monsieur le juge de m’excuser, si je ne suis pas de son avis, répondit M. Lecoq. Cette circonstance peut être des plus graves. Quelle est en l’état de l’instruction la charge la plus grave relevée contre Guespin ? C’est l’argent trouvé dans sa poche. Or, supposons un moment, que hier soir à dix heures, il a changé à Paris un billet de 1,000 francs. Ce billet serait-il le produit du crime du Valfeuillu ? — Non, puisqu’à cette heure-là le crime n’était pas commis. D’où viendrait-il ? C’est ce que je n’ai pas à rechercher encore. Mais