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Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/331

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le crime avait été commis avant onze heures. Or, si à dix heures du soir Guespin était dans les magasins des Forges de Vulcain, il ne pouvait être au Valfeuillu avant minuit. Donc, ce n’est pas lui qui a fait le coup.

Et sur cette conclusion l’agent de la sûreté sortant sa bonbonnière se récompensa d’un carré de réglisse, adressant au juge d’instruction un joli sourire qui bien clairement signifiait :

— Tirez-vous de là.

C’était, si les déductions de M. Lecoq étaient rigoureusement justes, le système entier du juge d’instruction qui s’écroulait.

Mais M. Domini ne pouvait admettre qu’il se fût ainsi trompé ; il ne pouvait, tout en mettant la découverte de la vérité bien au-dessus de mesquines considérations personnelles, renoncer à une conviction affermie par de mures réflexions.

— Je ne prétends pas, dit-il, que Guespin soit le seul coupable, il peut n’être que complice, mais pour complice, il l’est.

— Complice ! non, monsieur le juge, mais victime. Ah ! le Trémorel est un grand misérable ! Comprenez-vous maintenant pourquoi il avait avancé les aiguilles ? Moi, d’abord, je ne voyais pas l’utilité de cette avance de cinq heures. Le but est clair, maintenant. Il fallait, pour que Guespin fût sérieusement inquiété et compromis que le crime eût été commis bien après minuit, il fallait…

Mais tout à coup, il s’interrompit, il restait la bouche béante, l’œil fixe, en arrêt, pour ainsi dire, devant une idée qui venait de traverser son cerveau.

Le juge d’instruction, tout entier à son dossier, occupé à chercher des arguments en faveur de son opinion ne s’aperçut pas de ce mouvement.

— Mais alors, fit-il, comment expliquez-vous l’obstination de Guespin à se taire, à refuser de donner l’emploi de sa nuit ?

M. Lecoq s’était remis bien vite de son émotion, mais