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Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/393

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raconte qu’en tirant mon mouchoir de poche, j’ai laissé tomber vingt francs et je le prie de me prêter un instrument quelconque pour essayer de les rattraper. Il me prête un morceau de fer, il en prend un de son côté, et en moins de rien nous retrouvons la pièce. Aussitôt, je me mets à sauter, comme si j’étais le plus heureux des hommes et je le prie de se laisser offrir un verre de n’importe quoi, en manière de remercîment.

— Pas mal !

— Oh ! M. Lecoq, ce truc est de vous, mais vous allez voir le reste, qui est de moi. Mon portier accepte, et nous voilà les meilleurs amis du monde, buvant un verre de bitter dans un débit qui est en face de l’hôtel. Nous causions gaîment, quand tout à coup je me baisse comme si je venais d’apercevoir, à terre, quelque chose de surprenant, et je ramasse quoi ? la photographie que j’avais laissée tomber et que j’avais un peu abîmée avec mon pied. « Tiens ! dis-je, un portrait ! » Mon nouvel ami le prend, le regarde et n’a pas l’air de le reconnaître. Alors, pour être plus sûr, j’insiste et je dis : « Il est très-bien, ce monsieur, votre maître doit être dans ce genre, car tous les hommes bien se ressemblent. » Mais il répond que non, que l’homme du portrait a toute sa barbe, tandis que son maître est rasé comme un abbé. « D’ailleurs, ajoute-t-il, mon maître est Américain, il nous donne les ordres en français, c’est vrai, mais madame et lui causent toujours en anglais.

À mesure que parlait le Pâlot, l’œil de M. Lecoq redevenait brillant.

— Trémorel parle anglais, n’est-ce pas ? demanda-t-il au père Plantat.

— Très-passablement, et Laurence aussi.

Cela étant, notre piste est bien la bonne, car nous savons que Trémorel a coupé sa barbe le soir du crime. Nous pouvons marcher…

Cependant le Pâlot, qui s’attendait à des éloges, paraissait quelque peu décontenancé.

— Mon garçon, lui dit l’agent de la sûreté, je trouve