Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/406

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qu’elle semblait vieille ; ayant cessé de se serrer à risquer d’en mourir, sa grossesse était très-apparente.

— Pourquoi m’avoir cherchée ? reprit-elle. Pourquoi ajouter une douleur à ma vie ? Ah ! je l’avais bien dit à Hector, qu’on n’ajouterait pas foi à la lettre qu’il me dictait. Il est de ces malheurs contre lesquels la mort seule est un refuge.

Le père Plantat allait répondre, mais M. Lecoq s’était promis de mener l’entretien.

— Ce n’est pas vous, madame, que nous cherchons, dit-il, mais bien M. de Trémorel.

— Hector ! et pourquoi, s’il vous plaît ? n’est-il pas libre ?

Au moment de frapper cette malheureuse enfant, coupable seulement d’avoir cru aux serments d’un misérable, M. Lecoq hésita. Et cependant il est de ceux qui pensent que la vérité brutale est moins affreuse que des ménagements cruels.

M. de Trémorel, répondit-il, a commis un grand crime.

— Lui !… vous mentez, monsieur.

L’agent de la sûreté secoua tristement la tête.

— Je dis vrai, malheureusement, insista-t-il. M. de Trémorel a assassiné sa femme dans la nuit de mercredi à jeudi ; je suis agent de police, et j’ai ordre de l’arrêter.

Il supposait que cette terrible accusation allait foudroyer Laurence et la renverser. Il se trompait. Elle était foudroyée, mais elle restait debout. Le crime lui faisait horreur, mais il ne lui paraissait pas absolument invraisemblable, ayant compris la haine que Berthe inspirait à Hector.

— Eh bien ! soit, s’écria-t-elle, sublime d’énergie et de désespoir, soit, je suis sa complice, arrêtez-moi.

Ce cri, qui paraissait arraché à la passion la plus folle, atterra le père Plantat, mais ne surprit pas M. Lecoq.

— Non, madame, reprit-il, non, vous n’êtes pas la complice de cet homme. D’ailleurs le meurtre de sa