Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/408

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j’ai écrit à ma malheureuse mère une lettre infâme, si, en un mot, j’ai cédé aux prières d’Hector, c’est qu’il me priait au nom de mon enfant… de notre enfant.

M. Lecoq qui sentait que le temps pressait essaya une observation, Laurence ne l’écouta pas.

— Mais qu’importe ! poursuivait-elle. Je l’ai aimé, je l’ai suivi, je suis à lui. La constance quand même, voilà la seule excuse d’une faute comme la mienne. Je ferai mon devoir. Je ne saurais être innocente quand mon amant a commis un crime, je veux la moitié du châtiment.

Elle parlait avec une animation si extraordinaire que l’agent de la sûreté désespérait de la calmer, lorsque deux coups de sifflet, donnés dans la rue, arrivèrent jusqu’à lui. Trémorel rentrait, il n’y avait plus à hésiter, il saisit presque brutalement le bras de Laurence.

— Tout cela, madame, fit-il d’un ton dur, vous le direz aux juges, mes ordres ne concernent que le sieur Trémorel. Voici, au surplus, le mandat d’amener…

Il sortit à ces mots le mandat décerné par M. Domini et le posa sur la table.

À force de volonté, Laurence était redevenue presque calme :

— Vous m’accorderez bien, demanda-t-elle, cinq minutes d’entretien avec M. le comte de Trémorel.

M. Lecoq eut un tressaillement de joie. Cette demande, il l’avait prévue, il l’attendait.

— Cinq minutes, soit, répondit-il. Mais renoncez, madame, à l’espoir de faire évader le prévenu, la maison est cernée ; regardez dans la cour et dans la rue, vous verrez mes hommes en embuscade. D’ailleurs, je vais rester là, dans la pièce voisine.

On entendait le pas du comte dans l’escalier.

— Voici Hector, fit Laurence, vite, bien vite, cachez-vous.

Et comme ils disparaissaient elle ajouta, mais non, si bas que l’agent de la sûreté ne l’entendit :

— Soyez tranquilles, nous ne nous évaderons pas.