Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/50

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Le brigadier fit une pose regardant les auditeurs d’un air mystérieux ; il préparait son effet.

— Ce n’est pas tout. Pendant qu’on le tirait, dans la cour, il a essayé de se débarrasser de son porte-monnaie. Moi, j’ouvrais l’œil heureusement et j’ai vu le coup de temps. J’ai ramassé le porte-monnaie qui était tombé dans les massifs de fleurs près de la porte, et le voici. Il y a dedans un billet de cent francs, trois louis et sept francs de monnaie. Or, hier, le brigand n’avait pas le sou…

— Comment savez-vous cela ? demanda M. Courtois.

— Dame ! monsieur le maire, il avait emprunté à François, le valet de chambre, qui me l’a dit, vingt-cinq francs, soi-disant pour payer son écot à la noce.

— Qu’on fasse venir François, commanda le juge d’instruction.

Et dès que le valet de chambre parut :

— Savez-vous, lui demanda-t-il brusquement, si Guespin avait de l’argent hier ?

— Il en avait si peu, monsieur, répondit sans hésiter le domestique, qu’il m’a demandé vingt-cinq francs dans la journée en me disant que, si je ne les lui prêtais pas, il ne pouvait venir à la noce, n’ayant même pas de quoi payer le chemin de fer.

— Mais il pouvait avoir des économies, un billet de cent francs, par exemple, qu’il lui répugnait de changer.

François secoua la tête, avec un sourire incrédule.

— Guespin n’est pas homme à avoir des économies, prononça-t-il. Les femmes et les cartes lui mangent tout. Pas plus tard que la semaine passée, le cafetier du Café du Commerce est venu lui faire une scène pour ce qu’il doit et l’a même menacé de s’adresser à monsieur le comte.

Et, s’apercevant de l’effet produit par sa déposition, bien vite le valet de chambre ajouta, en manière de correctif :

— Ce n’est pas que j’en veuille aucunement à Gues-