Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/66

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joyeux vivant, portant chapeau pointu, veste de velours et de grandes manchettes.

En vertu de cette loi, l’employé de la rue de Jérusalem doit avoir l’œil plein de traîtrise, quelque chose de louche dans toute sa personne, l’air crasseux et des bijoux en faux. Le plus obtus des boutiquiers est persuadé qu’il flaire à vingt pas un agent de police : un grand homme à moustaches et à feutre luisant, le cou emprisonné dans un col de crin, vêtu d’une redingote noire râpée, scrupuleusement boutonnée sur une absence complète de linge. Tel est le type.

Or, à ce compte, M. Lecoq, entrant dans la salle à manger du Valfeuillu, n’avait certes pas l’air d’un agent de police.

Il est vrai que M. Lecoq a l’air qu’il lui plaît d’avoir. Ses amis assurent bien qu’il a une physionomie à lui, qui est sienne, qu’il reprend quand il rentre chez lui, et qu’il garde tant qu’il est seul au coin de son feu, les pieds dans ses pantoufles ; mais le fait n’est pas bien prouvé.

Ce qui est sûr, c’est que son masque mobile se prête à des métamorphoses étranges ; qu’il pétrit pour ainsi dire son visage à son gré comme le sculpteur pétrit la cire à modeler.

En lui, il change tout, même le regard, que ne parvint jamais à changer Gévrol, son maître et son rival.

— Ainsi, insista le juge d’instruction, c’est vous que monsieur le préfet de police m’envoie pour le cas où certaines investigations seraient nécessaires.

— Moi-même, monsieur, répondit Lecoq, bien à votre service.

Non, il ne payait pas de mine, l’envoyé de monsieur le préfet de police, et l’insistance de M. Domini était excusable.

M. Lecoq avait arboré ce jour-là de jolis cheveux plats de cette couleur indécise qu’on appelle le blond de Paris, partagés sur le côté par une raie coquettement prétentieuse. Des favoris de la nuance des cheveux enca-