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VII


Le juge d’instruction, le père Plantat et le docteur échangèrent un regard plein d’anxiété.

Quel malheur frappait M. Courtois, cet homme si parfaitement estimable et si excellent en dépit de ses défauts ? Était-ce donc décidément une journée maudite !

— Si La Ripaille s’en est tenu aux allusions, dit M. Lecoq, j’ai entendu raconter, moi qui ne suis ici que depuis quelques heures, deux histoires très-circonstanciées. Il paraît que cette demoiselle Laurence…

Le père Plantat interrompit brusquement l’agent de la sûreté.

— Calomnies, s’écria-t-il, calomnies odieuses ! Le petit monde qui jalouse les riches ne se gêne pas pour les déchirer à belles dents, faute de mieux. L’ignorez-vous donc ? Est-ce qu’il n’en a pas toujours été ainsi ! Le bourgeois, dans les petites villes surtout, vit, sans s’en douter, comme dans une cage de verre. Nuit et jour les yeux de lynx de l’envie braqués sur lui l’observent, l’épient, surprennent celles de ses démarches qu’il croit les plus secrètes pour s’en armer contre lui. Il va, content et fier, ses affaires prospèrent, il a l’estime et l’amitié de ceux de sa condition, et pendant ce temps, il est vilipendé dans les classes inférieures, traîné dans la boue, sali par les plus injurieuses suppositions. Est-ce que l’envie respecte quelque chose !

— Si Mlle  Laurence a été calomniée, fit en souriant le docteur Gendron, au moins a-t-elle trouvé un bon avocat pour défendre sa cause.

Le vieux juge de paix, l’homme de bronze, comme dit M. Courtois, rougit imperceptiblement, un peu embarrassé de sa vivacité.