Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/85

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Et comme le père Plantat souriait un peu, il goba un carré de pâte et ajouta :

— Arriver quand une instruction est commencée, est déplorable, monsieur le juge de paix, tout à fait déplorable. Les gens qui vous ont précédé ont eu le temps de se faire un système, et si vous ne l’adoptez pas d’emblée, c’est le diable !

On entendit dans l’escalier la voix de M. Domini appelant son greffier qui, arrivé un peu après lui, était resté au rez-de-chaussée.

— Tenez, monsieur, ajouta l’agent, voici monsieur le juge d’instruction qui se croit en face d’une affaire toute simple, tandis que moi, moi M. Lecoq, l’égal au moins de ce drôle de Gévrol, moi, l’élève chéri du père Tabaret, — il ôta respectueusement son chapeau, — je n’y vois pas encore clair.

Il s’arrêta, récapitulant, sans doute, le résultat de ses perquisitions et reprit :

— Non, vrai, je suis dérouté, je m’y perds presque. Je devine bien sous tout ceci quelque chose, mais quoi ? quoi ?

La figure du père Plantat restait calme, mais son œil étincelait.

— Peut-être avez-vous raison, approuva-t-il d’un air détaché, peut-être en effet y a-t-il quelque chose.

L’agent de la sûreté le regarda, il ne bougea pas. Il continuait à offrir la physionomie la plus indifférente du monde, tout en relevant quelques notes sur son carnet.

Il y eut un assez long silence, et M. Lecoq en profita pour confier au portrait les réflexions qui lui battaient la cervelle.

— Vois-tu bien, chère mignonne, disait-il, ce digne monsieur m’a l’air d’un vieux finaud dont il faut surveiller attentivement les faits et gestes. Il ne partage pas, il s’en faut, les opinions du juge d’instruction, il a une idée qu’il n’ose nous dire et nous la trouverons. Il est malin, ce juge de paix de campagne. Du premier