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S’ils s’épousèrent pour de bon à la mairie et à l’église, c’est qu’il leur sembla qu’un sacrement serait comme un baptême qui laverait leur passé !

De ce jour, Fanferlot céda son cabinet de recherches pour entrer à la Préfecture, où il avait déjà été employé, et Mme  Alexandre renonça au commerce.

Faisant une seule masse de leurs économies, ils louèrent et meublèrent l’hôtel du Grand-Archange, et ils prospérèrent, estimés, ou à peu près, du voisinage, lequel ignorait les relations de Fanferlot et de la préfecture de police.

— Comme tu rentres tard, mon petit homme, s’écria-t-elle, lâchant la cuillère à potage pour courir l’embrasser.

Mais c’est d’un air distrait qu’il reçut ces caresses.

— Je suis éreinté, dit-il ; j’ai joué toute la journée au billard avec Évariste, le valet de chambre de M. Fauvel, je l’ai laissé me gagner tant qu’il a voulu ; un garçon qui ne sait pas seulement ce que c’est qu’un « massé »… enfin ! J’ai fait sa connaissance avant-hier et je suis maintenant son meilleur ami. Si je veux entrer chez le banquier comme garçon de bureau à la place d’Antonin, je suis sûr de la protection de M. Évariste.

— Quoi ! tu serais garçon de bureau, toi !…

— Dame ! s’il le faut absolument pour y voir tout à fait clair dans la maison Fauvel et étudier mes personnages de plus près.

— Le valet de chambre ne t’a donc rien dit ?

— Rien du moins qui puisse me servir, et cependant je l’ai retourné comme un gant. C’est un homme comme on n’en voit pas, ce banquier. Il n’a pas un vice, me disait Évariste, pas seulement un pauvre petit défaut sur lequel son valet de chambre puisse gagner dix sous. Il ne fume pas, il ne boit pas, il ne joue jamais, il n’a pas de maîtresses ; un saint, quoi ! Il est riche à millions et il vit petitement, chichement, comme un épicier ; il est fou de sa femme, il adore ses enfants, il reçoit souvent, mais sort très-rarement.