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difié mes projets, que j’aurai, demain, le regret de vous faire mes adieux, je pars.

— Demain ! fit l’ancienne marchande à la toilette, il y a donc quelque chose ?

— Oh ! rien qui puisse vous intéresser.

Et ayant allumé sa bougie au bec de gaz, Mme  Gypsy se retira après un « bonsoir, bonne nuit » des plus significatifs.

— Que penses-tu de cette rentrée, Mme  Alexandre ? demanda Fanferlot sorti de sa cachette.

— C’est à n’y pas croire ! Cette petite écrit à M. de Clameran pour lui donner rendez-vous ici, et elle ne l’attend pas.

— Évidemment elle se méfie de nous, elle sait qui je suis.

— C’est alors cet ami du caissier qui l’a renseignée.

— Qui sait !… Tiens, je finis par croire que j’ai affaire à des voleurs très-forts ; ils ont deviné que je suis sur leurs traces, et ils veulent me dépister. On me dirait demain que cette coquine a le magot et qu’elle fuit avec, que je n’en serais pas surpris.

— Ce n’est pas mon avis, répondit Mme  Alexandre ; mais, écoute, j’en reviens à mon idée, tu devrais voir M. Lecoq.

Fanferlot resta un moment pensif.

— Eh bien ! soit, s’écria-t-il, j’irai le voir, mais uniquement pour l’acquit de ma conscience, car où je n’ai rien vu, il ne verra rien. Il a beau être terrible, il ne me fait pas peur. S’il s’avisait de me malmener et d’être insolent, je saurais le remettre à sa place.

N’importe, l’agent de la sûreté dormit mal cette nuit, ou, pour mieux dire, il ne dormit pas, plus préoccupé de l’affaire Bertomy qu’un dramaturge de la pièce en germe dans son cerveau.

À six heures et demie, il était debout — il faut se lever matin, si on veut rencontrer M. Lecoq — et lesté d’une tasse de café au lait, il se dirigea vers la demeure du célèbre policier.