— Oui !… répondit Prosper avec amertume. Et cependant, vous l’avez entendu, il m’a offert la moitié de sa fortune.
M. Verduret haussa les épaules d’un air de compassion.
— C’est mesquin de sa part, dit-il. Que n’offrait-il, pendant qu’il y était, sa fortune entière ? Ces offres-là n’engagent pas. Cependant je suis persuadé que ce joli garçon donnerait bien dix beaux billets de mille francs pour savoir l’Océan entre vous et lui.
— Lui ! monsieur… et pourquoi ?
— Qui sait ? peut-être pour cette même raison qui l’a engagé à vous bien faire remarquer que depuis un mois il n’a pas mis le pied chez son oncle.
— Mais c’est la vérité, monsieur, j’en suis sûr.
— Naturellement ! répondit M. Verduret, d’un air goguenard. Mais, tenez, reprit-il sérieusement, en voici assez sur ce joli garçon ; j’ai sa mesure, c’est tout ce que je voulais. Maintenant, vous allez, s’il vous plaît, changer de costume et nous irons ensemble rendre visite à M. Fauvel.
Cette proposition sembla révolter Prosper.
— Jamais ! s’écria-t-il, avec une violence extraordinaire. Non, jamais ! je ne saurais prendre sur moi de subir la vue de ce misérable.
Cette résistance ne surprit pas M. Verduret.
— Je vous comprends, dit-il, et je vous excuse, mais j’espère que vous reviendrez sur ce premier mouvement. De même que j’ai voulu voir M. de Lagors, je veux voir M. Fauvel ; il le faut, entendez-vous ? Êtes-vous faible à ce point de ne pouvoir vous contraindre cinq minutes ? Je me présenterai comme un de vos parents, vous n’aurez pas un mot à dire.
— S’il le faut absolument, fit Prosper, si vous le voulez…
— Oui, je le veux. Allons, morbleu ! un peu d’assurance, donc, et de la confiance. Vite, allez faire un brin de toilette, il se fait tard, j’ai faim, nous déjeunerons en route, tout en causant.