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Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/149

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vous. Hélas ! en vous voyant, mon cœur a tressailli de joie intérieure. Je ne pensais pas, non, je ne pouvais penser, qu’impitoyable, autant et plus que le monde, vous me repousseriez, lorsque je suis si malheureux.

Jeté moins violemment hors du prévu, Prosper eût pu suivre dans les yeux de Madeleine, ces beaux yeux si longtemps arbitres de sa destinée, la trace des combats qui se livraient en elle.

C’est pourtant d’une voix assez ferme qu’elle reprit :

— Vous me connaissez assez, Prosper, pour savoir que nul coup ne peut vous frapper sans m’atteindre moi-même. Vous souffrez… je vous plains comme une sœur plaint un frère tendrement aimé.

— Une sœur ! fit amèrement Prosper, oui, c’est bien là le mot prononcé le jour où vous m’avez banni de votre présence. Une sœur ! Alors pourquoi durant trois années m’avoir bercé des plus décevantes illusions ? Étais-je donc un frère pour vous ce jour où nous allions ensemble en pèlerinage à Notre-Dame-de-Fourvières, ce jour où après nous être juré au pied de l’autel de nous aimer éternellement, vous me passiez au cou une relique bénie, en me disant : « Pour l’amour de moi, gardez-la toujours, elle vous portera bonheur. »

Madeleine essaya de l’interrompre d’un geste doux et suppliant ; il ne la vit pas.

— Il y a un an de cela, poursuivait-il, et moins d’un mois après vous me rendiez ma parole et vous m’arrachiez la promesse de ne vous revoir jamais. Si je savais encore par quelle action, par quelle pensée j’ai pu vous déplaire ? Mais vous n’avez rien daigné m’expliquer. Vous me chassiez, et pour vous obéir j’ai laissé croire que c’était moi qui volontairement m’éloignais. Vous m’avez dit qu’un invincible obstacle s’élevait entre nous, et je vous ai cru. Fou que j’étais ! L’obstacle, c’est votre cœur, Madeleine. Pourtant, j’ai toujours conservé pieusement la médaille bénie… Elle ne m’a pas porté bonheur.

Plus immobile et plus blanche qu’une statue, Madeleine courbait le front sous cet orage d’une passion im-