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Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/172

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— Si seulement on pouvait voir ! s’écria-t-il. Dire que là, là, — et il montrait le poing à la fenêtre — est le mot de l’énigme, et que nous n’en sommes séparés que par les trente ou quarante pieds de ces deux étages !…

Jamais encore Prosper n’avait été si fort surpris par les allures de son étrange compagnon. Il semblait comme chez lui dans ce jardin où il venait de s’introduire par escalade ; il allait et venait sans précautions ; on eût dit qu’habitué à de pareilles expéditions, il trouvait cette situation toute naturelle, parlant de crocheter la porte d’une maison habitée comme un bourgeois d’ouvrir sa tabatière. Insensible, d’ailleurs, au mauvais temps, au vent, à la pluie qui tombait toujours, à la boue où il pataugeait.

Il s’était rapproché de la maison, et il calculait, il prenait des mesures, comme s’il eût eu l’espérance folle de se hisser le long de cette muraille lisse.

— Je veux voir, répétait-il, je verrai.

Tout à coup un souvenir du temps passé traversa l’esprit de Prosper.

— Mais il y a une échelle, ici, s’écria-t-il.

— Et vous ne me le dites pas !… Où est-elle !

— Au fond du jardin, sous les arbres.

Ils y coururent, et non sans peine la trouvèrent, couchée le long du mur. L’enlever, la porter près de la maison, fut l’affaire d’un instant.

Mais, quand ils l’eurent dressée, ils reconnurent que même en la tenant bien plus verticalement que ne le voulait la prudence, il s’en fallait de six bons pieds qu’elle atteignît la fenêtre éclairée.

— Nous n’arriverons pas ! dit Prosper découragé.

— Nous arriverons ! s’écria M. Verduret triomphant.

Aussitôt, se plaçant à un mètre de la maison, et lui faisant face, il saisit l’échelle, la souleva avec précaution, et en appuya le dernier échelon sur ses épaules, soutenant les montants aussi haut que possible. L’obstacle était vaincu.

— Maintenant, dit-il à son compagnon, montez.