Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je me souviens ! répondit-il.

— Pas d’imprudence, surtout.

— Monsieur le comte peut être tranquille, il a ma parole.

— C’est bien ; monsieur, je sais ce qu’elle vaut.

Le comte s’éloigna : mais pendant ce court colloque le quadrille finissait, et le paillasse n’aperçut plus ni M. de Clameran ni Madeleine.

— Je les retrouverai auprès de Mme Fauvel, pensa-t-il.

Et aussitôt, il se lança dans la foule, à la recherche de la femme du banquier.

Incommodée par la chaleur qui devenait suffoquante, Mme Fauvel était venue chercher un peu de fraîcheur dans la grande galerie des hôtels Jandidier, tranformée pour la nuit, grâce à ce talisman qui s’appelle l’or, en un féerique jardin, plein d’orangers, de lauriers roses en fleur et de lilas blancs dont les grappes délicates s’inclinaient déjà.

Le paillasse l’aperçut, assise près d’un bosquet, non loin de la porte d’un des salons de jeu. À droite était Madeleine ; à sa gauche se tenait Raoul de Lagors costumé en mignon de Henri III.

— Il faut avouer, pensait le paillasse, tout en cherchant un poste d’observation, qu’on n’est pas plus beau que ce jeune bandit.

Madeleine, maintenant, était triste. Elle avait arraché un camélia à l’arbuste voisin, et elle l’effeuillait machinalement, le regard perdu dans le vide.

Raoul et Mme Fauvel, penchés l’un vers l’autre, causaient. Leurs visages paraissaient tranquilles, mais les gestes de l’un, les tressaillements de l’autre, trahissaient clairement des préoccupations supérieures et une conversation des plus graves.

Dans le salon de jeu, on apercevait le doge, M. de Clameran, placé de façon à voir Mme Fauvel et Madeleine sans être vu.

— C’est la scène d’hier qui se continue, pensa le pail-