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stratagème était adroit pour ouvrir à l’adultère les portes de la maison. Elle a commencé par lui donner tout l’argent dont elle pouvait disposer ; plus tard elle lui a confié ses bijoux, qu’il portait au Mont-de-Piété ; enfin, ne possédant plus rien, elle l’a laissé puiser à la caisse de son mari. » Voilà ce que je pensais.

— Et de cette façon, tout s’expliquait.

— Non, tout ne s’expliquait pas, je le savais, et c’est en cela que j’ai agi avec une déplorable légèreté. Comment, avec mon premier système, expliquer l’empire de Clameran ?

— Clameran est simplement le complice de Lagors.

— Ah ! voilà où est l’erreur. Moi aussi, j’ai cru longtemps que Raoul était tout, la vérité est qu’il n’est rien. Hier, dans une discussion qui s’était élevée entre eux, le maître de forges a dit à son ancien ami : « Et, surtout, mon petit, ne t’avise pas de me résister, je te briserais comme verre. » Tout est là. Le fantastique Lagors est, non la créature de Mme Fauvel, mais l’âme damnée de Clameran.

— Et encore, reprit-il, est-ce que nos suppositions premières nous donnaient la raison de l’obéissance résignée de Madeleine ? C’est à Clameran et non à Lagors qu’obéit Madeleine.

Prosper essaya de protester.

M. Verduret haussa imperceptiblement les épaules. Pour convaincre Prosper, il n’avait à prononcer qu’un mot ; il avait simplement à dire que trois heures auparavant Clameran lui avait annoncé son mariage avec Madeleine.

Ce mot, il commit la faute de ne le point prononcer.

Persuadé qu’il arriverait à temps pour rompre ce mariage, il ne voulait pas ajouter cette inquiétude aux soucis de son jeune protégé.

— Clameran, poursuivit-il, Clameran seul tient madame Fauvel. Or, comment la tient-il, quelle arme terrible assure son mystérieux pouvoir ? Il résulte de renseignements positifs qu’ils se sont vus il y a quinze mois