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Gaston n’était pas aussi abîmé qu’il le croyait. À l’exception d’un coup de couteau, un peu au-dessous de l’épaule gauche, ses autres blessures étaient légères.

Après avoir reçu les soins que réclamait son état, Gaston se sentit un autre homme, prêt à braver de nouveaux périls ; une énergie nouvelle étincelait dans ses yeux.

D’un signe, le marquis fit retirer les domestiques :

— Et, maintenant, demanda-t-il à Gaston, vous croyez devoir passer à l’étranger ?

— Oui, mon père.

— Mon frère n’a pas à hésiter, insista Louis. S’il reste, on l’arrête, on le met en prison, on le traduit en cour d’assises, et… qui sait ?…

— On ne sait que trop, gronda le vieux marquis, il serait condamné. Voilà les bienfaits de l’immortelle Révolution, comme ils disent. Ah ! si nous étions au temps de ma jeunesse, nous prendrions nos armes, tous les trois, nous monterions à cheval, nous marcherions sur Tarascon, et alors… Tandis qu’aujourd’hui il faut fuir.

— Et il n’y a pas un instant à perdre, fit observer Louis.

— C’est vrai, répondit le marquis ; mais, pour fuir, pour passer à l’étranger, il faut de l’argent, et je n’en ai pas à lui donner, là, sur-le-champ.

— Mon père !…

— Non, je n’en ai pas ! Ah ! vieux fou prodigue que je suis, vieil enfant imprévoyant !… Ai-je seulement cent louis ici !…

Sur ses indications, son second fils, Louis, ouvrit le secrétaire.

Le tiroir servant de caisse renfermait 920 fr. en or.

— Neuf cent vingt francs !… s’écria le marquis ; ce n’est pas assez. L’aîné de notre maison ne peut fuir avec cette misérable somme, il ne le peut…

Visiblement désespéré, le vieux marquis resta un moment abîmé dans ses réflexions. À la fin, prenant un parti, il ordonna à Louis de lui apporter une petite cas-