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Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/235

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L’horreur et la pitié, bien plus que le dépit, avaient arraché un cri à tous les cavaliers.

— Il est perdu, murmura un des gendarmes, c’est fini ; on ne lutte pas contre le Rhône ; on recueillera son corps demain, à Arles. Les hussards, surtout, paraissaient désolés de la mort de ce noble et beau jeune homme, qu’un instant avant ils poursuivaient avec tant d’acharnement. Ils admiraient son courage et son énergie, et aussi sa résignation, car, enfin, résolu à mourir et ayant des armes, il aurait pu se défendre et vendre chèrement sa vie.

Vrais soldats français, ils étaient maintenant de tout cœur du côté du vaincu, et il n’en est pas un qui n’eût été prêt à tout tenter pour le sauver et faciliter son évasion.

— Fichue besogne ! grommela le vieux maréchal des logis qui commandait les hussards.

— Bast ! fit le brigadier, un philosophe, autant le Rhône que la cour d’assises ! Nous autres, demi-tour. Ce qui me peine, c’est l’idée de ce pauvre vieux qui attend des nouvelles de son fils… Lui dira la vérité qui voudra, je ne m’en charge pas.


XIII


Valentine, ce soir-là, savait que Gaston avait dû se rendre à Tarascon, pour y passer le Rhône sur le pont de fil de fer qui unit Tarascon à Beaucaire, et elle l’attendait de ce côté, à l’heure convenue la veille, à onze heures.

Mais voici que bien avant l’instant fixé, ayant par hasard jeté un coup d’œil du côté de Clameran, il lui sembla voir des lumières promenées dans les appartements d’une façon tout à fait insolite.