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— Vite, Couturier, dit-il à un de ses employés, prenez ma voiture qu’on attelle, et allez avec monsieur jusque chez M. de Rothschild. Vous remettrez la lettre et les titres que voici, et, en échange, on vous comptera 300,000 fr. que vous donnerez à monsieur.

Le désappointement du maître de forges était visible ; il sembla vouloir excuser son impertinence.

— Croyez, monsieur, commença-t-il, que je n’avais aucune intention offensante. Voici des années, déjà, que nous sommes en relations et jamais…

— Assez, monsieur, interrompit le banquier, je n’ai que faire de vos excuses. Il n’y a, en affaires, ni connaissances ni amis. Je dois, je ne suis pas en mesure, vous êtes… pressant ; c’est juste, vous êtes dans votre droit. Suivez mon commis, il vous remettra vos fonds.

Puis se tournant vers les employés qu’avait attirés la curiosité :

— Quant à vous, messieurs, dit-il, veuillez regagner vos bureaux.

En un moment la pièce qui précède la caisse fut vide. Seuls les commis qui y travaillent y étaient restés, et assis devant leur pupitre, le nez sur leur papier, ils semblaient absorbés par leur besogne.

Encore sous le coup des rapides événements qui venaient de se succéder, M. André Fauvel se promenait de long en large, agité, fiévreux, laissant par intervalles échapper quelque sourde exclamation.

Prosper, lui, était resté debout, appuyé à la cloison. Pâle, anéanti, les yeux fixes, il paraissait avoir perdu jusqu’à la faculté de penser.

Enfin, après un long silence, le banquier s’arrêta devant Prosper ; il avait pris son parti et arrêté ses déterminations.

— Il faut pourtant nous expliquer, dit-il ; passez dans votre bureau…

Le caissier obéit sans mot dire, presque machinalement, et son patron le suivit, prenant bien soin de refermer la porte derrière lui.