En elle, tous les ressorts de l’âme et de la volonté étaient brisés, et à la longue elle en était venue à cette résignation passive des êtres sans cesse maltraités, à cette insouciance, à cette abnégation de soi qui trahissent le sacrifice raisonné de la vie.
Et le temps passait, et quatre ans s’étaient écoulés depuis cette soirée fatale où Gaston, dans la barque du père Menoul, s’était abandonné au courant du Rhône.
Ces quatre années, Mme de La Verberie les avait employées on ne peut plus mal.
Voyant que décidément elle ne pouvait vivre de ses revenus, trop niaisement fière pour vendre des terres, qui, mal administrées ne rendaient pas deux du cent, elle s’était résignée à emprunter et à manger le capital avec les revenus.
Or, comme dans cette voie il n’y a que le premier pas qui coûte, la comtesse avait marché rapidement.
Se disant : « Après moi le déluge ! » ni plus ni moins que feu M. le marquis de Clameran, la comtesse ne songeait plus qu’à se donner ses aises.
Elle reçut beaucoup, se permit de fréquents voyages dans les villes voisines, à Nîmes, à Avignon ; elle fit venir de Paris des toilettes superbes, et donna carrière à son goût pour la bonne chère. Tout ce qu’elle avait si longtemps attendu de la munificence d’un gendre amoureux, elle se l’accorda. Il faut des consolations aux grandes douleurs !…
Dès la première année de son retour de Londres, elle n’avait pas hésité à se passer la fantaisie d’un cheval de réforme, qui n’avait pas du tout mauvais air, ma foi ! quand on l’attelait à une calèche encore fort présentable, achetée à crédit et d’occasion à Beaucaire.
Pour s’excuser vis-à-vis d’elle-même, quand des inquiétudes lui venaient, elle se disait : — « Je suis si malheureuse ! »
Le malheur est que ce semblant de luxe coûtait cher, très-cher.
Après avoir vendu le reste de ses rentes, la comtesse