Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/271

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tre, redoutant les conséquences d’une décision ainsi arrachée, l’infortunée supplia sa mère de lui laisser au moins quelques heures de répit.

Ces instants de réflexions, Mme  de La Verberie n’osa plus les refuser. Le coup frappé, elle se dit qu’insister serait imprudent.

— Vous le voulez, dit-elle à sa fille, je me retire. Mieux que votre esprit, votre cœur vous dira comment choisir entre un aveu inutile et le salut de votre mère.

Et sur ces mots elle sortit, indignée, mais pleine d’espoir.

Elle n’avait que trop de motifs d’espérer.

Placée entre deux obligations également impérieuses, également sacrées, mais absolument opposées, la raison troublée de Valentine ne discernait plus clairement où était le devoir.

Réduirait-elle sa mère à la plus affreuse des misères ?

Abuserait-elle indignement la confiance et l’amour d’un honnête homme ?

Quelle que fût sa décision, il en résultait, pour elle, une vie affreuse et d’épouvantables remords.

Ah ! que n’avait-elle, près d’elle, un de ces conseillers bienveillants et sûrs, dont l’austère parole raffermit les résolutions chancelantes. Que n’avait-elle cet ami discret et doux qui l’avait soutenue lors de ses premiers malheurs, le vieux docteur Raget.

Autrefois, le souvenir de Gaston de Clameran eût parlé haut et dicté sa conduite, mais ce souvenir lointain n’était plus qu’un vague murmure.

Dans les romans, il est vrai, on trouve de ces héroïnes dont la vertu n’a rien d’égale que la constance ; la vie réelle n’a guère de ces miracles.

Longtemps, dans la pensée de Valentine, Gaston était resté éblouissant et radieux, comme les héros des rêves ; mais les brumes du temps, peu à peu, avaient obscurci les rayons de l’idole, et il n’était plus maintenant, au fond de son cœur, qu’une froide relique.

Cependant, lorsqu’elle se leva le matin, pâle et souf-