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vibrante ; oui, mon crédit, qui aurait pu être compromis aujourd’hui par cet homme. Savez-vous ce que vont me coûter les fonds qu’on va donner à M. de Clameran ? Et ces titres que je sacrifie, je pouvais ne pas les avoir, vous ne me les connaissiez pas !

Le banquier s’arrêta comme s’il eût espéré un aveu qui ne vint pas.

— Allons, Prosper, du courage, un bon mouvement !… Je vais me retirer, et vous visiterez de nouveau la caisse ; je parierais que, dans votre trouble, vous n’avez pas bien cherché… Ce soir, je reviendrai, et je suis sûr que dans la journée vous aurez retrouvé, sinon les 350,000 fr., au moins la majeure partie de cette somme… et ni vous ni moi nous ne nous souviendrons demain de cette fausse alerte.

Déjà M. Fauvel s’était levé et s’avançait vers la porte ; Prosper le retint par le bras.

— Votre générosité est inutile, monsieur, dit-il d’un ton amer ; n’ayant rien pris, je ne puis rien rendre. J’ai bien cherché, les billets de banque ont été volés.

— Mais par qui, pauvre fou ! par qui !

— Sur tout ce qu’il y a de sacré au monde, je jure que ce n’est pas par moi.

Un flot de sang empourpra le front du banquier.

— Misérable ! s’écria-t-il, que voulez-vous dire ? Ce serait donc par moi ?

Prosper baissa la tête et ne répondit pas.

— Ah ! c’est ainsi, reprit M. Fauvel, hors d’état de se contenir, vous osez !… Alors, entre vous et moi, M. Prosper Bertomy, la justice prononcera. Dieu m’est témoin que j’ai tout fait pour vous sauver. Ne vous en prenez qu’à vous de ce qui va arriver. J’ai fait prier le commissaire de police de vouloir bien venir jusqu’ici ; il doit m’attendre dans mon cabinet ; dois-je le faire prévenir ?

Prosper eut ce geste d’affreuse résignation de l’homme qui s’abandonne, et d’une voix étouffée, il répondit :

— Faites !