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Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/285

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Ce n’est pas qu’il y eût aucun parent, aucun ami, même, de qui attendre un secours, mais il se rappelait le vieux manoir pour lequel, autrefois, le notaire désespérait trouver un acquéreur.

Il se disait que peut-être cet acquéreur s’était présenté, et il était décidé à aller s’en assurer, pensant qu’une fois dans le pays, il tirerait toujours quelque chose de ce château, qui, certes, dans le temps, avait coûté à bâtir plus de 100,000 livres.

Trois jours plus tard, par une belle soirée d’octobre, il arrivait à Tarascon, où il s’assurait que le château était encore sa propriété, et le lendemain, de très-bonne heure, il prenait, à pied, la route de Clameran.

Comme tout était changé, depuis vingt-cinq ans qu’il avait quitté la maison paternelle !

C’est à peine s’il se reconnaissait dans ce pays où il était né, le long de cette route si souvent parcourue dans son adolescence.

Cependant l’impression fut si forte, sur cet homme éprouvé par tant et de si étranges aventures, qu’un moment il eut la pensée de rebrousser chemin.

S’il continua, c’est qu’une voix secrète et pleine d’espérances lui criait : « En avant ! en avant !… » comme s’il eût dû trouver au bout de la route une vie nouvelle et cette fortune tant enviée.

À mesure cependant que Louis avançait dans la campagne, les changements survenus lui paraissaient moins frappants ; il retrouvait son pays.

Bientôt, à travers les arbres, il distingua le clocher du village de Clameran, puis le village lui-même, assis sur la pente douce d’un coteau couronné d’oliviers.

Il reconnut les premières maisons : le hangar du maréchal-ferrant avec sa vigne courant le long du toit, le presbytère, et plus loin l’auberge où, autrefois avec son frère Gaston, il venait pousser les billes sur l’immense billard à blouses larges comme des hottes.

En dépit de ce qu’il nommait son dédain des préjugés vulgaires, une émotion indéfinissable lui serrait le cœur.