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Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/296

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XVI


Après plus de vingt années de mariage, Valentine de La Verberie, devenue Mme Fauvel, n’avait éprouvé qu’une douleur réelle, encore était-ce une de ces douleurs qui fatalement nous atteignent en nos plus chères affections.

En 1859, elle avait perdu sa mère, prise d’une fluxion de poitrine pendant un de ses fréquents voyages à Paris.

Jusqu’aux derniers moments, la vieille et redoutable comtesse de La Verberie avait conservé toute sa tête, et quelques minutes avant d’expirer, elle disait à sa fille :

— Eh bien ! ai-je eu raison de t’engager à te taire ! Ton silence m’a fait une douce vieillesse dont je te remercie, il t’assure le plus paisible avenir.

Depuis, Mme Fauvel se plaisait à le répéter, elle n’avait plus eu un sujet sérieux de chagrin, elle n’avait pas eu une occasion de verser une larme.

Qu’avait-elle à souhaiter ? Après tant d’années, André restait pour elle ce qu’il était aux premiers jours de leur union. À l’amour qui n’avait pas diminué se joignait cette intimité délicieuse qui résulte d’une longue conformité de pensées et une confiance sans bornes.

Tout avait réussi au gré de ce fortuné ménage. André avait voulu être riche, il l’était bien au-delà de ses espérances ; bien au-delà, surtout, de ses désirs et de ceux de Valentine.

Leurs deux fils, Lucien et Abel, beaux comme leur mère, nobles cœurs, vaillantes intelligences, étaient de ces élus qui sont la glorification de leur famille et portent au dehors comme un reflet du bonheur domestique.

Il était dit qu’il ne manquerait rien aux félicités de Valentine. Pour les heures de solitude, quand par ha-