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Elle avait donné avec joie, d’abord, sans compter, mais elle ne tarda pas à s’apercevoir que sa générosité, si elle n’y mettait ordre, serait sa perte.

Cette femme si riche, dont les diamants étaient cités, qui avait un des beaux attelages de Paris, connut, de la misère, ce qu’elle a de plus poignant : l’impérieuse nécessité de se refuser aux fantaisies de l’être aimé.

Jamais son mari n’avait eu l’idée de compter avec elle. Dès le lendemain de son mariage, il lui avait remis la clé du secrétaire, et depuis, librement, sans contrôle, elle prenait ce qu’elle jugeait nécessaire, tant pour le train considérable de la maison, que pour ses dépenses personnelles.

Mais, précisément parce qu’elle avait toujours été modeste dans ses goûts, au point que son mari l’en plaisantait, précisément parce qu’elle avait administré l’intérieur avec une sagesse extrême, elle ne pouvait disposer tout à coup de sommes assez fortes sans s’exposer à des questions inquiétantes.

Certes, M. Fauvel, le plus généreux des millionnaires, était homme à se réjouir de voir sa femme faire quelques grosses folies ; mais les folies s’expliquent, on en retrouve les traces.

Un hasard pouvait faire reconnaître au banquier l’étonnant accroissement des dépenses de la maison ; que lui répondre s’il en demandait les causes.

Et Raoul en trois mois avait dissipé une petite fortune. N’avait-il pas fallu l’installer, lui donner un joli intérieur de garçon ? Tout lui manquait, autant qu’à un naufragé. Il avait voulu un cheval, un coupé, comment les lui refuser ?

Puis c’était chaque jour quelque fantaisie nouvelle.

Si parfois Mme  Fauvel hasardait une remontrance, la physionomie de Raoul prenait aussitôt une expression désolée, et ses beaux yeux s’emplissaient de larmes.

— C’est vrai, répondait-il, je suis un enfant, un pauvre fou, j’abuse. J’oublie que je suis le fils de Valentine pauvre, et non de la riche Mme  Fauvel.