Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/338

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ferme. Crois-moi, la réalité du malheur est moins pénible que son attente. Résisterais-tu à ces alternatives de douleur et de joie ? Sais-tu ce qu’ont fait de toi les anxiétés que tu dissimules ? T’es-tu vue depuis quatre mois ?

Elle prit sa tante par la main, et, la conduisant devant une glace :

— Tiens, ajouta-t-elle, regarde-toi.

Mme Fauvel n’était plus que l’ombre d’elle-même.

Elle était arrivée à cet âge perfide où la beauté d’une femme, comme celle d’une rose pleinement épanouie, se flétrit en un jour.

En quatre mois, elle avait vieilli. Le chagrin avait mis sur son front son empreinte fatale. Ses tempes fraîches et lisses comme celles d’une jeune fille, se plissaient, des fils blancs argentaient les masses de sa chevelure.

— Comprends-tu, maintenant, poursuivait Madeleine, pourquoi la sécurité t’est nécessaire. Comprends-tu que tu as changé à ce point que c’est miracle que mon oncle ne s’en soit pas inquiété ?

Mme Fauvel, qui croyait avoir déployé une dissimulation supérieure, eut un geste négatif.

— Eh ! pauvre tante, n’ai-je pas deviné, moi, que tu avais un secret !

— Toi…

— Oui ! seulement j’avais cru… Oh ! pardonne un soupçon injuste, j’avais oser supposer…

Elle s’interrompit toute troublée, et il lui fallut un grand effort pour ajouter :

— Je m’imaginais que peut-être tu aimais un autre homme que mon oncle.

Mme Fauvel ne put retenir un gémissement. Le soupçon de Madeleine, d’autres pouvaient l’avoir eu.

— L’honneur est perdu, murmura-t-elle.

— Non, chère tante ; non, s’écria la jeune fille, rassure-toi et reprends courage : nous serons deux pour lutter maintenant ; nous nous défendrons, nous nous sauverons.