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Il s’interrompit, poussant un cri de joie. Il venait d’apercevoir sur le buffet le carnet consulté par M. Fauvel.

— Veille, dit-il à Raoul.

Il saisit le carnet, il le feuilleta fiévreusement, il trouva :

« Gaston, marquis de Clameran, Oloron (Basses-Pyrénées) ! »

— Sommes-nous bien plus avancés, fit Raoul, maintenant que nous avons son adresse ?

— C’est-à-dire que nous sommes peut-être sauvés. Viens, il ne faut pas qu’on remarque notre absence. Du sang-froid, morbleu ! de la tenue, de la gaîté ! J’ai vu le moment où ton attitude nous trahissait.

— Les deux femmes se doutent de quelque chose.

— Eh bien ! après ?

— Il ne fait pas bon pour nous ici.

— Faisait-il donc meilleur à Londres ? Confiance ! nous nous en tirerons. Je vais dresser mes batteries.

Ils rejoignirent les autres invités. Mais si leur conversation n’avait pas été entendue, leurs gestes avaient été observés.

Madeleine, qui s’était avancée sur la pointe du pied, avait aperçu Clameran consultant le carnet du banquier.

Mais à quoi pouvait lui servir cette constatation des inquiétudes du marquis. Elle n’en était plus à douter de l’infamie de cet homme, auquel elle avait promis sa main. Il l’avait bien dit à Raoul : Ni Madeleine, ni sa tante ne pouvaient se soustraire, quoi qu’il arrivât, à sa domination ; car pour l’atteindre il fallait parler, avouer…

Lorsque deux heures plus tard, Clameran reconduisit Raoul jusqu’au Vésinet, son plan était fait.

— C’est lui, je n’en doute pas, disait-il, mais nous avons, mon beau neveu, pris l’alarme trop tôt.

— Merci !… le banquier l’attend ; nous l’aurons peut-être demain sur le dos.

— Tais-toi ! interrompit Clameran. Sait-il ou ne sait-il pas que Fauvel est le mari de Valentine ? Tout est là.