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Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/351

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Gaston se précipita vers lui, et après l’avoir serré entre ses bras, à l’étouffer, il l’entraîna, ou plutôt il l’emporta dans le salon.

Là, il le fit asseoir, s’asseyant lui-même, en face, le plus près possible, pour le mieux voir, pour le contempler plus à l’aise. Il lui avait pris les deux mains et les gardait dans les siennes.

— C’est toi, répétait-il, parlant très-haut comme pour mieux s’entendre, pour se bien prouver la réalité, toi, mon bien-aimé Louis, mon frère… toi, c’est toi !…

Une mère, revoyant son fils, soldat, après une bataille, ne s’abandonne pas plus follement à son délire ; l’expansion de sa joie n’est pas plus bruyante.

Gaston, cet homme dont la vie avait été comme une continuelle tempête, ne se possédait plus. Lui, l’aventurier, le second du redoutable capitaine Warth, le chercheur d’or des mines de Villa-Rica, il pleurait et riait tout ensemble.

— Je t’aurais reconnu, disait-il à son frère ; oui, je t’aurais reconnu… Va ! l’expression de ton visage n’a pas changé, tu as bien le même regard, ton sourire est toujours ce qu’il était jadis.

Louis souriait, en effet, peut-être comme il avait souri cette nuit fatale, où la chute de son cheval avait livré Gaston.

Il souriait, lui aussi, il avait l’air heureux, il paraissait ravi.

C’est qu’il lui avait fallu tout son courage, toute sa volonté, le sentiment d’une nécessité terrible pour se présenter ainsi.

Une de ces angoisses à faire blanchir les cheveux d’un homme le pénétrait lorsqu’il avait soulevé le marteau de la porte de Gaston. Ses dents claquaient de peur, lorsqu’il avait dit au domestique, en lui tendant sa carte :

— Portez ceci à votre maître.

Et en attendant le retour de ce domestique, dont l’absence lui avait paru durer des siècles, il se disait :