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Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/417

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XX


Clameran avait dit à Raoul :

— Surtout, soigne ton entrée, ton aspect seul doit tout dire et éviter des explications impossibles.

La recommandation était inutile.

Raoul, en entrant dans le petit salon, était si pâle et si défait, ses yeux avaient une telle expression d’égarement, qu’en l’apercevant Mme Fauvel ne put retenir un cri.

— Raoul !… Quel malheur t’est arrivé ?

Le son de cette voix, si pleine de tendresse, produisit sur le jeune bandit l’effet d’un choc électrique. Un frisson le secoua de la tête aux pieds. Mais le jour, en même temps, se fit dans son esprit. Louis ne s’était pas trompé : Raoul abordait son rôle, il était en scène, l’assurance lui revenait, sa nature de fourbe reprenait le dessus.

— Le malheur qui m’arrive, répondit-il, sera le dernier, ma mère !…

Mme Fauvel ne l’avait jamais vu ainsi ; elle se leva émue, palpitante, et vint se placer près de lui, son visage touchant presque le sien, comme si en le fixant de toutes les forces de sa volonté, elle eût pu lire jusqu’au fond de son âme.

— Qu’y a-t-il ? insista-t-elle. Raoul, mon fils, réponds-moi.

Il la repoussa doucement.

— Ce qu’il y a, répondit-il d’une voix étouffée, et qui cependant faisait vibrer les entrailles de Mme Fauvel, il y a, ma mère, que je suis indigne de toi, indigne de mon noble et généreux père.

Elle fit un signe de tête, comme pour essayer de protester.