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Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/426

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— Prosper est honnête.

— Certainement, et moi aussi. Seulement, nous manquions d’argent.

— Tu mens.

— Non, chère mère, Madeleine a chassé Prosper, et, dame ! il se console comme il peut, ce pauvre garçon, et les consolations sont hors de prix.

Il avait repris la lampe, et doucement, mais avec une vigueur extraordinaire, il poussait Mme Fauvel vers l’escalier.

Elle se laissait faire maintenant, plus confondue de ce qu’elle venait d’entendre que d’avoir vu la caisse s’ouvrir.

— Quoi ! murmurait-elle, Prosper serait un voleur !…

Elle se demandait si elle n’était pas victime de quelque odieux cauchemar, si le réveil n’allait pas venir la délivrer d’intolérables tortures morales. Sa pensée ne lui appartenait plus, et c’est machinalement que, soutenue par Raoul, elle gravissait les marches raides du petit escalier.

— Il faut remettre la clé dans le secrétaire, dit Raoul, dès qu’ils furent dans la chambre à coucher.

Mais elle ne parut pas l’entendre, et c’est lui qui replaça la clé de la caisse là où il l’avait vu prendre.

Il reconduisit alors, ou plutôt il porta Mme Fauvel dans le petit salon où elle se tenait, lorsqu’il était arrivé, et il l’assit dans un fauteuil.

Tel était la prostration de la malheureuse femme, ses yeux fixes et sans expression décélaient si bien le trouble affreux de son esprit, que Raoul, effrayé, se demanda si elle ne devenait pas folle.

— Voyons, chère mère, disait-il en essayant de réchauffer ses mains glacées, reviens à toi. Tu viens de me sauver la vie et nous rendons, du même coup, un service immense à Prosper. Ne crains rien, tout s’arrangera. Prosper sera accusé, arrêté peut-être ; il s’y attend, mais il niera, et comme on ne pourra prouver sa culpabilité, il sera relâché.