Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Quoi ! monsieur, fit vivement M. Fauvel, la justice ne doit-elle pas être et n’est-elle pas une pour tous ? De ce que je suis chef de maison pendant qu’il n’est qu’employé, s’ensuit-il qu’on doive me croire sur parole ? Pourquoi ne me serais-je pas volé moi-même ? On connaît des exemples. On me demandera des faits, je serai obligé d’exposer à un juge la situation exacte de ma maison, de lui expliquer mes affaires, de lui dévoiler le secret et le mécanisme de mes opérations.

— Il se peut, en effet, monsieur, qu’on vous demande quelques explications, mais votre honorabilité bien connue…

— Hélas ! lui aussi était honnête. Qui eût été soupçonné si ce matin je n’avais pu trouver à l’instant cent mille écus ? Qui serait soupçonné si je ne pouvais prouver que mon actif disponible dépasse mon passif de plus de trois millions ?…

Pour tout homme de cœur, la pensée, la possibilité, l’apparence d’un soupçon est une souffrance cruelle ; le banquier souffrait, le commissaire s’en aperçut.

— Soyez tranquille, monsieur, dit-il, avant huit jours la justice aura réuni assez de preuves pour établir la culpabilité de ce malheureux, que nous pouvons maintenant faire revenir.

Prosper rappelé, revint avec M. Fanferlot, qu’on avait eu bien du mal à éveiller, et c’est sans un tressaillement, avec tous les dehors de l’insensibilité la plus complète qu’il s’entendit annoncer qu’il était arrêté.

Il répondit simplement, sans la moindre emphase.

— Je jure que je suis innocent !

M. Fauvel, bien plus troublé que son caissier, essaya une dernière tentative :

— Il en est temps encore, mon enfant, fit-il, au nom du ciel, réfléchissez…

Prosper ne sembla pas l’entendre. Il tira de sa poche une petite clé qu’il plaça sur la cheminée.

— Voici, monsieur, dit-il, la clé de votre caisse. J’espère, pour moi, que vous reconnaîtrez un jour que je ne