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sier, M. Fauvel ne regarda ni sa femme ni sa nièce. Il eût été bien intrigué de leur singulière contenance.

Cette nuit, pour Mme Fauvel, devait être et fut un long et intolérable supplice.

— Dans six heures, se disait-elle, dans trois heures, dans une heure, tout sera découvert. Qu’arrivera-t-il ?

Le jour vint, la maison s’éveilla ; elle entendit aller et venir les domestiques. Puis, le bruit des bureaux qu’on ouvrait, des employés qui arrivaient, monta jusqu’à elle.

Mais quand elle voulut se lever, elle ne le put. Une invincible faiblesse et d’atroces douleurs la rejetèrent sur ses oreillers. Et c’est là, grelottant, et cependant baignée des sueurs de l’angoisse, qu’elle attendit le résultat.

Elle attendait, penchée sur le bord de son lit, l’oreille au guet, lorsque la porte de sa chambre s’ouvrit. Madeleine, qui venait de la quitter, reparut.

L’infortunée était plus pâle qu’une morte, ses yeux avaient l’éclat du délire, elle frissonnait comme les feuilles du tremble au vent de l’orage.

Mme Fauvel comprit que le crime était découvert.

— Tu sais ce qui arrive, n’est-ce pas, ma tante ? dit Madeleine d’une voix stridente. On accuse Prosper d’un vol ; le commissaire est là qui va le conduire en prison.

Un gémissement fut la seule réponse de Mme Fauvel.

— Je reconnais là, poursuivait la jeune fille, la main de Raoul ou du marquis…

— Quoi ! comment expliquer ?…

— Je l’ignore. Ce que je sais, c’est que Prosper est innocent. Je viens de le voir, de lui parler. Coupable, il n’eût pas osé lever les yeux sur moi.

Mme Fauvel ouvrait la bouche pour tout avouer : elle n’osa.

— Que veulent donc de nous ces monstres, disait Madeleine, quels sacrifices exigeront-ils ? Déshonorer Prosper !… Mieux valait l’assassiner… je me serais tue.

L’entrée de M. Fauvel interrompit Madeleine. La fureur du banquier était telle qu’à peine il pouvait parler.