Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/445

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Un autre eût été brisé, lui se tenait debout et contait avec cette verve entraînante qui lui était particulière, jouant, pour ainsi dire, le drame dont il déroulait les péripéties, s’attendrissant ou se passionnant, — « entrant, pour parler comme au théâtre, dans la peau de chacun des personnages qu’il mettait en scène. »

Prosper, lui, écoutait, ébloui de cette surprenante lucidité, de cette faculté merveilleuse d’exposition.

Il écoutait, et il se demandait si ce récit qui expliquait les événements jusque dans les moindres circonstances, qui analysait des sensations fugitives, qui rétablissait des conversations qui avaient dû être secrètes, n’était pas un roman bien plus qu’une relation exacte.

Certes, toutes ces explications étaient ingénieuses, séduisantes comme probabilité, strictement logiques ; mais sur quoi reposaient-elles ? N’étaient-elles pas le rêve d’un homme d’imagination ?

M. Verduret mit longtemps à tout dire ; il était près de quatre heures du matin, quand, ayant terminé, il s’écria avec l’accent du triomphe :

— Et maintenant, ils sont sur leurs gardes ; ils sont bien fins, mais je m’en moque, je les tiens, ils sont à nous. Avant huit jours, ami Prosper, vous serez réhabilité : je l’ai promis à votre père.

— Est-ce possible ! murmurait le caissier dont toutes les idées étaient bouleversées, est-ce possible !

— Quoi ?

— Tout ce que vous venez de m’apprendre.

M. Verduret bondit en homme peu habitué à voir ses auditeurs douter de la sûreté de ses informations.

— Si c’est possible ! s’écria-t-il, mais c’est la vérité même, la vérité prise sur le fait et exposée toute palpitante.

— Quoi ! de telles choses peuvent se passer à Paris, au milieu de nous, sans que…

— Parbleu ! interrompit le gros homme, vous êtes jeune, mon camarade ! il s’en passe bien d’autres… et vous ne vous en doutez guère. Vous ne croyez, vous,