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Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/449

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C’était net, précis, indiscutable.

— Je comprends, murmurait Prosper, je comprends.

— Et vous, mon jeune camarade, interrogea M. Verduret, qu’avez-vous fait ?

Prosper, à cette question, se troubla et rougit. Mais il comprit que taire son imprudence serait une folie et une mauvaise action.

— Hélas ! répondit-il, j’ai été fou, j’ai lu dans un journal que Clameran allait épouser Madeleine.

— Et alors ? insista M. Verduret devenu inquiet.

— J’ai écrit à M. Fauvel une lettre anonyme, où je lui donne à entendre que sa femme le trahit pour Raoul…

D’un formidable coup de poing, M. Verduret brisa la table près de laquelle il était assis.

— Malheureux !… s’écria-t-il, vous avez peut-être tout perdu !

En un clin d’œil, la physionomie du gros homme changea. Sa face joviale prit une expression menaçante.

Il s’était levé, et il arpentait rageusement la plus belle chambre de l’hôtel du Grand-Archange, sans souci des locataires de l’étage inférieur.

— Mais vous êtes donc un enfant, disait-il à Prosper consterné, un insensé, pis encore… un sot !…

— Monsieur…

— Quoi ! il se trouve un brave homme qui, lorsque vous vous noyez, se jette à l’eau, et quand il est sur le point de vous sauver, vous vous accrochez à ses jambes pour l’empêcher de nager !… Que vous avais-je dit ?

— De me tenir tranquille, de ne pas sortir.

— Eh bien !…

Le sentiment de ses torts rendait Prosper plus timide que le lycéen auquel son professeur demande compte de ses heures d’étude, et qui s’excuse.

— C’était le soir, monsieur, répondit-il, je souffrais, je me suis promené le long des quais, j’ai cru pouvoir entrer dans un café, on m’a donné un journal, j’ai vu l’épouvantable nouvelle…

— N’était-il pas arrêté que vous aviez confiance en moi ?