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crime et punit ; mais son calme était effrayant comme celui qui précède et présage les convulsions de la tempête.

Au cri que sa femme et Raoul ne purent retenir en l’apercevant, il répondit par ce ricanement nerveux des infortunés que la raison est près d’abandonner.

— Ah ! vous ne m’attendiez pas, dit-il, vous pensiez que ma confiance imbécile vous assurait une éternelle impunité !…

Raoul avait eu du moins le courage de se placer devant Mme Fauvel, la couvrant de son corps, s’attendant, il faut lui rendre cette justice, se préparant à recevoir une balle.

— Croyez, mon oncle… commença-t-il.

Un geste menaçant du banquier l’interrompit.

Assez, disait-il, assez de mensonges et d’infamies comme cela ! Cessons une odieuse comédie dont je ne suis plus dupe.

— Je vous jure…

— Épargnez-vous la peine de nier. Ne voyez-vous pas que je sais tout, comprenez-moi bien, absolument tout ! Je sais que les diamants de ma femme ont été portés au Mont-de-Piété, et par qui ! Je connais l’auteur du vol pour lequel Prosper innocent a été arrêté et mis en prison !

Mme Fauvel, atterrée, s’était laissée tomber à genoux.

Enfin il était venu, ce jour tant redouté ! Vainement, depuis des années, elle avait entassé mensonges sur mensonges ; vainement elle avait donné sa vie et sacrifié les siens : tout, ici-bas, se découvre.

Oui, toujours, quoi qu’on fasse, un moment arrive où la vérité se dégage des voiles sous lesquels on pensait l’ensevelir, et brille plus éclatante, comme le soleil après qu’il a dissipé le brouillard.

Elle vit bien qu’elle était perdue, et avec des gestes suppliants, le visage inondé de larmes, elle balbutia :

— Grâce, André, je t’en conjure, pardonne !

Aux accents de cette voix mourante, le banquier