rible scène qui venait d’avoir lieu étourdissaient M. Fauvel et lui enlevaient toute faculté de réflexion.
Ballottée comme le liége au caprice de la vague, sa volonté flottait éperdue au gré des événements.
Si son cœur lui conseillait le pardon et l’oubli, l’amour-propre offensé lui disait de se souvenir pour se venger.
Sans Raoul, ce misérable qui était là, debout, témoignage vivant d’une faute lointaine, il n’eût pas hésité. Gaston de Clameran était mort, il eût ouvert ses bras à sa femme en lui disant :
— Viens, tes sacrifices à mon honneur seront ton absolution ; viens, et que tout le passé ne soit qu’un mauvais rêve que dissipe le jour.
Mais Raoul l’arrêtait.
— Et c’est là votre fils, dit-il à sa femme, cet homme qui vous a dépouillé, qui m’a volé !
Mme Fauvel était trop bouleversée pour pouvoir articuler une syllabe. Heureusement, M. Verduret était là.
— Oh ! répondit-il, madame vous dira qu’en effet ce jeune homme est le fils de Gaston de Clameran, elle le croit, elle en est sûre… seulement…
— Eh bien !…
— Pour la dépouiller plus aisément, on l’a indignement trompée.
Depuis un moment déjà, Raoul manœuvrait habilement pour se rapprocher de la porte. S’imaginant que personne en ce moment ne songeait à lui, il voulut fuir…
Mais M. Verduret, qui avait prévu le mouvement, guettait Raoul du coin de l’œil et l’arrêta au moment où il disparaissait.
— Où allons-nous donc ainsi, mon joli garçon, disait-il en le ramenant au milieu de la chambre, nous voulions donc fausser compagnie à nos amis ? Ce n’est pas gentil. Avant de se séparer, que diable ! on s’explique !
L’air goguenard de M. Verduret, ses intonations railleuses, furent pour Raoul autant de traits de lumière.