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Certes, Cavaillon était dévoué à Prosper, mais il lui était prouvé clair comme le jour qu’une lutte ne le mènerait à rien, qu’il n’aurait même pas le temps d’anéantir « le corps du délit. »

Livrer le billet dans ces conditions, ce n’était pas trahir ; il se résigna en maudissant son impuissance, pleurant presque de rage.

— Vous êtes le plus fort, dit-il ; j’obéis.

En même temps, il tira de son portefeuille le malencontreux billet et le remit à l’agent de la sûreté.

Les mains de Fanferlot tremblaient de plaisir en dépliant le papier, et cependant, fidèle à ses habitudes de méticuleuse politesse, une fois la lettre ouverte, il s’inclina devant Cavaillon en murmurant :

— Vous permettez, n’est-ce pas, cher monsieur ? je suis navré, en vérité, de l’indiscrétion.

Enfin il lut :

« Chère Nina,

« Si tu m’aimes, vite, sans une minute d’hésitation, sans réflexions, obéis-moi. Au reçu de ce mot, prends tout ce que tu as à toi, à la maison — tout absolument — et va t’établir dans quelque maison meublée à l’autre bout de Paris. Ne te montre pas, disparais autant que tu le pourras. De ton obéissance dépend peut-être ma vie. Je suis accusé d’un vol considérable et je vais être arrêté. Il doit y avoir cinq cents francs dans le secrétaire, prends-les. Laisse ton adresse à Cavaillon qui t’expliquera ce que je ne puis te dire. Bon espoir quand même, et à bientôt.

« prosper. »

Moins consterné, Cavaillon eût pu surprendre sur la figure de l’agent de la sûreté tous les signes d’un immense désappointement.

Fanferlot s’était bercé de cet espoir qu’il allait s’emparer d’un document très-important, et, qui sait ? peut-être d’une preuve irrécusable de l’innocence ou de la culpabilité de Prosper. Au lieu de cela, il venait de mettre