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tre que suivait le fiacre, Prosper mit plusieurs fois la tête à la portière, se plaignant, en souriant, d’être mis en prison par ce beau soleil, lorsqu’il ferait si bon être dehors.

— C’est même singulier, fit-il, jamais je n’ai eu si grande envie de me promener.

Un de ses gardiens, qui était un gros garçon réjoui et épais, accueillit cette réflexion par un énorme éclat de rire, et dit :

— Je comprends cela.

Au greffe, pendant qu’on remplissait les formalités de l’écrou, Prosper répondit avec une hauteur mêlée de dédain aux questions indispensables qui lui furent adressées.

Mais, lorsqu’après lui avoir ordonné de vider ses poches sur la table, on s’approcha pour le fouiller, un éclair d’indignation jaillit de ses yeux, puis une larme chaude aussitôt séchée au feu de ses pommettes. Ce ne fut qu’un éclair. Il se laissa faire, levant les bras, pendant que, du haut en bas, des mains brutales le palpaient pour s’assurer qu’il ne dissimulait pas sous ses vêtements quelque objet suspect.

Les investigations auraient peut-être été poussées plus loin et seraient devenues bien autrement ignominieuses sans l’intervention d’un homme d’un certain âge, d’apparence distinguée, portant cravate blanche et lunettes à branches d’or, qui se chauffait près du poêle, et qui, en ce lieu, semblait être chez lui.

À la vue de Prosper, qui entrait suivi des agents, il eut un geste de surprise et parut extrêmement ému ; il s’avança même, comme pour lui adresser la parole, mais il se ravisa.

Si troublé que fut le caissier, il ne put s’empêcher de remarquer que les yeux de cet homme restaient obstinément fixés sur lui. Le connaissait-il donc ? Il eut beau chercher dans ses souvenirs, il ne se rappela pas l’avoir jamais vu.

Cet homme, aux allures de chef de bureau, n’était