Page:Gaboriau - Les Gens de bureau, Dentu, 1877.djvu/108

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la plus sombre du bâtiment ; aussi y a-t-on installé le prince des calligraphes.

Le prince des calligraphes, M. Coquillet, est un vieillard complètement idiot. Hors une belle écriture, il ne voit pas de quoi peut se vanter un homme. S’il est surpris d’une chose, c’est de ne pas être ministre, lui qui à main levée dessine autour de lettres d’une admirable rectitude les plus merveilleuses arabesques. Il s’en console cependant, et il est heureux, lorsque, dans ses six heures réglementaires, il a couvert une page de parchemin de caractères à faire briser ses planches à un graveur de lettres.

La placidité de ce brave homme est inaltérable ; il est naïf et doux ; la pureté de ses mœurs lui a laissé quelque chose d’enfantin dans l’imagination et presque sur le visage.

Coquillet est un homme de taille moyenne, ni gras ni maigre, il a la joue rose, son gros œil bleu-mat ne dit absolument rien ; c’est bien la fenêtre de son esprit. Son teint uni et clair vous dirait sa sobriété d’anachorète. Ses cheveux jadis blonds ne sont pas encore tout à fait gris.

Sa mise simple, mais propre, indique un homme soigneux ; c’est à la brosse qu’il use ses redingotes. S’il fait quelques frais de coquetterie, c’est pour ses mains blanches et potelées dont il tire vanité.