Page:Gaboriau - Les Gens de bureau, Dentu, 1877.djvu/19

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méthodiquement la lettre d’avis sous un presse-papier, continua à vaquer sans façon à ses occupations gastronomiques.

Au bout de trois petits quarts d’heure, comme Romain se demandait s’il ne ferait pas mieux d’aller rendre à Krugenstern les habits qu’il lui avait confiés pour faire fortune, le garçon de bureau qui s’était montré si bienveillant pour lui reprit en hochant la tête :

— Monsieur, le chef du personnel ne reçoit jamais avant deux heures.

— Diable ! dit Caldas, il n’est pas encore midi.

— Oh ! vous pouvez rester, vous ne nous gênez pas…

On étouffait dans cette galerie, mais il gelait dehors ; Caldas resta.

Cette couple d’heures ne fut pas d’ailleurs inutile à son apprentissage administratif. Il avait eu jusqu’alors des idées tout à fait anglaises sur la valeur du temps ; l’oisiveté si occupée de ces fonctionnaires marron-clair fut une révélation pour lui ; et concluant de leur fainéantise individuelle à la fainéantise universelle de la gent bureaucratique, il caressa le doux espoir de mitiger par le commerce des muses, pendant les heures réglementaires, l’austère labeur de l’employé.

Un coup de sonnette retentit ; le garçon de bureau,