Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/10

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Dans la langue imagée qui a cours du côté du Montparnasse, on dit qu’un buveur est « poivre » quand il a laissé sa raison au fond des pots. De là le sobriquet de « voleurs au poivrier, » donné aux coquins dont la spécialité est de dévaliser les pauvres ivrognes inoffensifs.

Ce nom, cependant, n’éveillant aucun souvenir dans l’esprit des agents :

— Comment ! ajouta Gévrol, vous ne connaissez pas le cabaret de chez la mère Chupin, là-bas, à droite… Au galop, et gare aux billets de parterre !

Donnant l’exemple, il s’élança dans la direction indiquée, ses hommes le suivirent, et en moins d’une minute, ils arrivèrent à une masure sinistre d’aspect, bâtie au milieu de terrains vagues.

C’était bien de ce repaire que partaient les cris, ils avaient redoublé et avaient été suivis de deux coups de feu.

La maison était hermétiquement close, mais par des ouvertures en forme de cœur, pratiquées aux volets, filtraient des lueurs rougeâtres comme celles d’un incendie.

Un des agents se précipita vers une des fenêtres, et s’enlevant à la force des poignets, il essaya de voir par les découpures ce qui se passait à l’intérieur.

Gévrol, lui, courut à la porte.

— Ouvrez !… commanda-t-il, en frappant rudement.

Pas de réponse.

Mais on distinguait très-bien les trépignements d’une lutte acharnée, des blasphèmes, un râle sourd et par intervalles des sanglots de femme.