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Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/100

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gré ses brillantes relations, en effet, et en dépit de sa fortune très-considérable, depuis la mort d’un frère aîné, il menait l’existence la plus retirée, cachant sa vie, ne se révélant que par son travail obstiné et par le bien qu’il répandait autour de lui.

C’était alors un homme de quarante-deux ans, qui paraissait plus jeune que son âge, encore que son front commençât à se dégarnir.

On eût admiré sa physionomie sans l’inquiétante immobilité qui la déparait, sans le pli sarcastique de ses lèvres trop minces, sans l’expression morne de ses yeux d’un bleu pâle.

Dire qu’il était froid et grave, eût été mal dire, et trop peu. Il était la gravité et la froideur mêmes avec une nuance de hauteur…

Saisi dès le seuil du cabaret par l’horreur du spectacle, c’est à peine si M. d’Escorval accorda aux médecins et au commissaire un salut distrait. Les autres ne comptaient pas, pour lui.

Déjà, toutes ses facultés étaient en jeu. Il étudiait le terrain, arrêtant son regard aux moindres objets, avec cette sagacité attentive du juge qui sait le poids d’un détail et qui comprend l’éloquence des circonstances extérieures.

— C’est grave !… dit-il enfin, bien grave !…

Le commissaire de police, pour toute réponse, leva les bras au ciel, geste qui traduisait bien sa pensée :

— À qui le dites-vous !…

Le fait est que, depuis deux heures, le digne commissaire trouvait cruellement lourde sa responsabilité, et qu’il bénissait le magistrat qui l’en déchargeait.