Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

blême, ayant devant lui, comme un rempart, une lourde table de chêne.

Il était d’un certain âge, de taille moyenne, et portait toute sa barbe.

Son costume, qui était celui des déchargeurs de bateaux du quai de la Gare, était en lambeaux et tout souillé de boue, de vin et de sang.

Celui-là certainement était le meurtrier.

L’expression de son visage était atroce. La folie furieuse flamboyait dans ses yeux, et un ricanement convulsif contractait ses traits. Il avait au cou et à la joue deux blessures qui saignaient abondamment.

De sa main droite, enveloppée d’un mouchoir à carreaux, il tenait un revolver à cinq coups, dont il dirigeait le canon vers les agents.

— Rends-toi !… lui cria Gévrol.

Les lèvres de l’homme remuèrent ; mais, en dépit d’un visible effort, il ne put articuler une syllabe.

— Ne fais pas le malin, continua l’inspecteur de la sûreté, nous sommes en force, tu es pincé ; ainsi, bas les armes !…

— Je suis innocent, prononça l’homme d’une voix rauque.

— Naturellement, mais cela ne nous regarde pas.

— J’ai été attaqué, demandez plutôt à cette vieille ; je me suis défendu, j’ai tué, j’étais dans mon droit !

Le geste dont il appuya ces paroles était si menaçant, qu’un des agents, resté à demi dehors, attira violemment Gévrol à lui, en disant :

— Gare, Général ! méfiez-vous !… Le revolver du gredin a cinq coups et nous n’en avons entendu que deux.