Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/136

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marque, à ce moment-là. Il y avait une des deux coquines qui appelait l’autre Madame, gros comme le bras, tandis que l’autre la tutoyait et la rudoyait.

— Oh !… fit le jeune policier, sur trois tons différents, oh ! oh !… Et laquelle, s’il vous plaît, disait : tu ?

— La mal mise. Elle n’avait pas les deux pieds dans le même soulier, celle-là. Elle secouait l’autre, la cossue, comme un prunier. « Malheureuse, lui disait-elle, veux-tu nous perdre… tu t’évanouiras quand nous serons à la maison, marche !… » Et l’autre répondait en pleurnichant : « Vrai, madame, bien vrai, je ne peux pas ! » Elle paraissait si bien ne pas pouvoir, en effet, que je me disais à part moi : « En voilà une qui a bu plus que sa suffisance !… »

C’étaient là des circonstances, et d’une importance extrême, qui confirmaient, en les rectifiant, les premières suppositions de Lecoq.

Ainsi qu’il l’avait soupçonné, la condition sociale des deux femmes n’était pas la même.

Seulement, il s’était trompé en attribuant la prééminence à la femme aux fines bottines à talons hauts, dont les empreintes inégales lui avaient révélé les défaillances.

Cette prééminence appartenait à celle qui avait laissé les traces de ses souliers plats, et supérieure par sa condition, elle l’avait été par son énergie.

Lecoq était désormais persuadé que des deux fugitives, l’une était la servante et l’autre la maîtresse.

— Est-ce bien tout, mon brave ? demanda-t-il à son compagnon.

— Tout, répondit le cocher, sauf que j’ai observé que