Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/138

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— Madame, lui dit poliment Lecoq en lui présentant son foulard, je rapporte ceci à une de vos locataires.

— À laquelle ?…

— Par exemple, voilà ce que je ne sais pas.

La digne concierge crut comprendre que ce jeune homme si poli était un mauvais plaisant qui prétendait se moquer d’elle.

— Vilain malhonnête, commença-t-elle.

— Pardon, interrompit Lecoq, laissez-moi finir ; voici la chose. Avant-hier soir, avant-hier matin plutôt, sur les trois heures, je rentrais me coucher, tranquillement, quand, ici près, deux dames qui avaient l’air très-pressées me devancent. L’une d’elles laisse tomber ceci… Je le ramasse, et comme de juste, je hâte le pas pour le lui remettre… Peine perdue, elles étaient déjà entrées ici. À l’heure qu’il était, je n’ai pas osé sonner dans la crainte de vous déranger ; hier j’ai été occupé, mais aujourd’hui j’arrive : voici l’objet.

Il posa le foulard sur la table et fit mine de se retirer, la concierge le retint.

— Grand merci de la complaisance, dit-elle, mais vous pouvez garder ça. Nous n’avons pas, dans la maison, des femmes qui rentrent seules après minuit.

— Cependant, insista le jeune policier, j’ai des yeux, j’ai vu…

— Ah !… j’oubliais, s’écria la vieille femme. La nuit que vous dites, en effet, on sonne ici… quelle scie ! Je tire le cordon et j’écoute… rien. N’entendant ni refermer la porte ni monter dans l’escalier, je me dis : « Bon ! encore un polisson qui me fait une niche. » La maison, vous m’entendez, ne pouvait pas rester ouverte au pre-