Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/143

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d’acclamations et de soupirs, se mêlaient, ainsi qu’un accompagnement continu, le murmure des robinets, placés au chevet de chaque dalle, et le sourd clapotis de l’eau qui coulait et tombait en s’éclaboussant.

Par les petites fenêtres cintrées, la lumière glissait blafarde sur les corps exposés, faisait saillir énergiquement les muscles, accusait les marbrures des chairs verdâtres, et éclairait sinistrement les haillons pendus autour de l’amphithéâtre, défroques horribles qui doivent aider aux reconnaissances, et qui, au bout d’un certain temps, sont vendues… car rien ne se perd.

Mais le jeune policier était trop à ses pensées pour remarquer les hideurs du spectacle.

À peine donna-t-il un coup d’œil aux trois victimes de l’avant-veille. Il cherchait le père Absinthe et ne le découvrait pas.

Gévrol, volontairement ou non, avait-il manqué à ses promesses, ou bien le vieil homme de la rue de Jérusalem, s’était-il oublié à sa goutte matinale et avait-il bu la consigne ?

En désespoir de cause, Lecoq s’adressa au chef des gardiens.

— Il paraît, demanda-t-il, que personne encore n’a reconnu un seul des malheureux de l’affaire de l’autre nuit.

— Personne !… Et cependant, depuis l’ouverture, nous avons un monde fou. Moi, voyez-vous, si j’étais le maître, des jours comme aujourd’hui, je demanderais deux sous par personne, à la porte, demi-place pour les enfants, et on ferait de fameuses recettes… on couvrirait les frais…