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Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/160

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Ces odieuses vieilles, qui ont trafiqué de tous les vices et bu toutes les hontes, atteignent parfois une perfection d’hypocrisie à mettre en défaut la plus subtile pénétration.

Un homme non prévenu, par exemple, eût pu se laisser prendre à la candeur de la veuve Chupin, tant elle y mettait de naturel, tant elle rencontrait à propos la juste intonation de la franchise, de la surprise ou de l’effroi.

Malheureusement elle avait contre elle ses yeux, ses petits yeux gris, mobiles comme ceux de la bête inquiète, où l’astuce heureuse allumait des étincelles.

C’est qu’elle se réjouissait, au-dedans d’elle-même, de son bonheur et de son adresse, n’étant pas fort éloignée de croire que le juge ajoutait foi à ses déclarations.

Dans le fait, pas un des muscles du visage de M. Segmuller n’avait trahi ses impressions pendant le récit de la vieille, récit débité avec une prestigieuse volubilité.

Quand elle s’arrêta, à bout d’haleine, il se leva sans mot dire et s’approcha de son greffier pour surveiller la rédaction du procès-verbal de cette première partie de l’interrogatoire.

Du coin où il se tenait modestement assis, Lecoq ne cessait d’observer la prévenue.

— Elle pense pourtant, se disait-il, que c’est fini, et que sa déposition va passer comme une lettre à la poste.

Si telle était, en effet, l’espérance de la veuve Chupin, elle ne tarda pas à être déçue.

M. Segmuller, après quelques légères observations au