Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/179

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attention, et n’oubliez pas que votre liberté dépend de votre franchise. Comment vous nommez-vous ?

— Mai.

— Quels sont vos prénoms ?

— Je n’en ai pas.

— C’est impossible.

Un mouvement du prévenu trahit une impatience aussitôt maîtrisée.

— Voici, répondit-il, la troisième fois qu’on me dit cela depuis hier. C’est ainsi, cependant. Si j’étais menteur, rien ne serait si simple que de vous dire que je m’appelle Pierre, Jean ou Jacques… Mais mentir n’est pas mon genre. Vrai, je n’ai pas de prénoms. S’il s’agissait de surnoms, ce serait autre chose, j’en ai eu beaucoup.

— Lesquels ?…

— Voyons… pour commencer, quand j’étais chez le père Fougasse, on m’appelait l’Affiloir, parce que, voyez-vous…

— Qui était ce père Fougasse ?

— Le roi des hommes pour les bêtes sauvages, monsieur le juge. Ah !… il pouvait se vanter de posséder une ménagerie, celui-là. Tigres, lions, perroquets de toutes les couleurs, serpents gros comme la cuisse, il avait tout. Malheureusement il avait aussi une connaissance qui a tout mangé.

Se moquait-il, parlait-il sérieusement ? Il était si malaisé de le discerner, que M. Segmuller et Lecoq étaient également indécis. Goguet, lui, tout en minutant l’interrogatoire, riait.

— Assez !… interrompit le juge, quel âge avez-vous ?