Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il pensait que cette circonstance des deux femmes était le côté faible du système du meurtrier, le point où il devait concentrer ses efforts.

Il l’abandonna, néanmoins, pénétré de cette juste théorie qu’à un premier interrogatoire, on ne doit traiter à fond aucune question.

Lorsqu’il estima que sa menace avait produit son effet, il reprit :

— Ainsi, prévenu, vous affirmez ne connaître aucune des personnes qui se trouvaient dans le cabaret ?

— Je le jure.

— Vous n’avez jamais eu occasion de voir un individu dont le nom se trouve mêlé à cette déplorable affaire, un certain Lacheneur ?

— J’entendais ce nom pour la première fois, quand le soldat mourant l’a prononcé, en ajoutant que ce Lacheneur était un ancien comédien…

Il eut un gros soupir, et ajouta :

— Pauvre troupier !… Je venais de lui donner le coup de mort, et ses dernières paroles ont été le témoignage de mon innocence.

Ce petit mouvement sentimental laissa le juge très-froid.

— Par conséquent, demanda-t-il, vous acceptez la déposition de ce militaire ?

L’homme hésita, comme s’il eût flairé un piége et calculé la réponse.

— J’accepte !… dit-il enfin ; bast !…

— Très-bien. Ce soldat, vous devez vous le rappeler, voulait se venger de Lacheneur, lequel, en lui promettant de l’argent, l’avait entraîné dans un complot. Con-